Jeu de mains...
Avril arrive, les bourgeons sortent et les branches s'étirent doucement en suivant l'astre lumineux dans sa course contre le froid. Ces vertes naissances, si fragiles, si graciles, ont besoin de mains agiles pour parfaire leurs pousses en lissant les cils qui pointent de leurs yeux duveteux.
À mâtine humide, le tâcheron plié en deux hume les odeurs fines qui mêlent iode, accents feuillus et terres mouillées. Sa peau ressent le feulement des petites branches animées par le vent d'Ouest, elles lèchent son avant-bras et caressent ses poignets qui plongent avec délectation dans cette petite forêt de Verdure qu'il va falloir éclaircir. Le regard aiguisé précède ce geste sec qui casse la bourre inutile et préserve celle chargée de fruits, puis, avec une précision d'orfèvre les doigts poursuivent leur œuvre en équilibrant le cep sauvage pour lui conserver sa fougue en la transmettant aux raisins.
Labeur cent fois, mille fois répétés, ouvrage éprouvant et minutieux qui autorise par moment un regard arrière motivant qui mêle admiration pour un rège rectiligne et satisfaction de la tâche accomplie sans que jamais cet égoïsme là ne soit diffusé. Plaisir simple et humain du travailleur solitaire soumis aux éléments climatiques.
Puis, tard, repassant observer la qualité de son ouvrage et le reprenant pour l'affiner, il découvrira les naturelles réponses à ses actes premiers. Bourgeons devenus branches, raisins étalés ou serrés, végétation aérées ou entre-mêlées, ses actes trouveront alors une résonance qui à coup sûr sauront le faire réfléchir... Tout en lui donnant encore un peu plus cet amour du beau et du bon!
Jeu de mains... Jeu pour demain!
Patrick Essa - 2017