Maîtriser les rendements…une règle d’or
PRODUIRE ?
Dans le petit monde des blancs une des idées les plus communément admises est qu’il est permis de produire beaucoup en faisant de grands vins. Alors évidemment beaucoup pour certains, c’est « peu » pour d’autres…il faut donc convenir de ce qu’il est possible d’obtenir selon les rendements par pieds qu’une vigne donnée autorise.
En effet l’âge de la vigne, son porte greffe et la sélection du plant qui est utilisée ont une grande incidence sur ce que « In fine » nous pouvons demander à la vigne. Mais également son âge, ses systèmes de taille, de palissage, de culture, ses amendements reçus…il est assez simple à comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule vérité, d’autant que l’âge du plant et la manière dont il a été « soigné » tout au long de sa vie impacte fortement cet ensemble qui fonctionne en synergie.
Évidemment une vieille vigne de 80 ans composée de plants fins sur une porte greffe qualitatif - souvent le 161/49 qui résiste dans les vieilles vignes ou le 3309 C qui est excellent dans les zones argileuses - et n’ayant jamais vu d’herbicide aura toute les chances de livrer des baies plus concentrées qu’un jeune plant de quatre ans planté avec un porte greffe 5C vigoureux et amendé avec des doses d’azote confortables. Mais à l’inverse une vieille vigne de plants plus grossiers qui a été désherbée depuis les années 70 sera moins qualitative qu’une sélection massale récente de plants extra fins plantées sur le porte greffe 420 A de vigueur modérée et au fond mieux vaut 50 hl/ha sur cette dernière que 45 sur la première.
Le rendement est une affaire de mesure!
Mais projetons nous un peu dans les arcanes des choix que le domaine opère pour vinfier les vins qu’il a en tête. En premier lieu nous ne possédons pas de plants productifs plantés sur des portes greffes vigoureux. Ni dans nos très vieux plants ayant entre 60 et près de 100 ans, ni dans ceux ayant été planté par Michel dans les années 70/80 et 90 qui sont en plaine sur du 3309 et en coteau sur des 161/49. Deux portes greffes qualitatifs. Dans les plantations récentes - des Bourgogne - nous avons mis des plants extras fins…mais dans deux endroits sur du 161/49 et là nous avons dû remplacer un nombre non négligeable de pieds en raison du dépérissement. Depuis trois ans nous complantons donc et pour l’instant ces plants ne sont pas en production car Louis - et son équipe
- les taille pour qu’en priorité ils puissent bien s’enraciner. Leur vraie production se fera à l’horizon 7/10 ans.
Alors peut-on produire beaucoup - plus de 50 hl/ha - et faire les grands vins que le terroir de Meursault permet potentiellement de livrer?
Nous ne le pensons pas.
En fait il est assez simple de comprendre que les plants les moins fins - et donc vigoureux - vont permettre chaque année de donner 65 à 70 hl/ha sans coup férir, surtout dans les parcelles de pied de coteau où les sols sont plus profonds et où les terres plus riches sont fertiles naturellement. Mais le problème n’est pas tant la charge que la possibilité qu’à la plante de mener la maturité de ses fruits a complet aboutissement phénolique.
Or c’est ici que le bas blesse. Si par le passé la récolte tardive permettait aux plants peu chargés en alcool de parfaire leurs précurseurs aromatiques, nos temps plus précoces racourcissent la période végétative - car les raisins mûrissent avec des journées de soleil plus longues - et dès lors lorsque l’on a moins de sucre - ou des niveaux faibles en rapport de ce que l’année pourrait permettre en étant patient - et bien les précurseurs n’ont pas le temps de se former et restent atones ou simples.
La plante avec moins d’eau, plus de soleil et de forts rendements ne peux plus équilibrer positivement ses fruits car ceux-ci ne sont plus en capacité de mûrir à plein, ils sont trop nombreux. Il faut dès lors aider la plante en diminuant les rendements pour qu’elle puisse les porter - les raisins - à complet aboutissement.
Dès lors, récolter moins et plus tard est simplement possible mais pour cela il ne faut pas impulser la dynamique de pousse trop tôt en taillant précocement et surtout il faut ébourgeonner pour que chaque cep puisse faire mûrir l’ensemble des raisins choisis. En ce moment 45 a 50 hl dans les années les plus favorables nous paraissent être un maximum. Surtout si l’on souhaite pérenniser la vigne sur la durée. En moyenne 42 hl sur 10 ans avec des variations extrêmes de 20 à 55 nous paraissent de bonnes valeurs pour envisager l’avenir.
Évidemment ce sont des choix liés à nos interrogations et observations et surtout au fait que décidément non, notre climat actuel ne permet plus du tout de produire « beaucoup et bon » (mais en fait je suis persuadé que cela n’a jamais été véritablement le cas) car ce décalage de 20 jours qui existe dans les années de la décennie 2020 par rapport à celles des années 1970 est un frein considérable.
Paradoxalement les dégâts que la chaptalisation faisait il y a 50 ans avec plus d’adjonction de sucre qu’aujourd’hui étaient me semble t’il moins néfastes mque ceux que l’on fait aujourd’hui sur des raisins récoltés chauds bouillants en août et titrant moins de 12 degrés dans lesquels on met 4 kg de sucre par fût. Car les raisins d’aujourd’hui sont moins aboutis physiologiquement.
On observera les acidités et les ph obtenus contenus dans nos 2022 sur une des photos ci dessous. Ils ont été récolte mûr et ont fermenté sans aucune correction.
En résumé, pour pérenniser nos chardonnays il faut remettre en question les moments de la taille, le labour intégral précoce et la récolte avant la saine et juste maturité…celle ou le fruit n’est plus à corriger de quelle que manière que ce soit.
Par ailleurs nul besoin d’entamer des travaux de labos pour comprendre pourquoi les blancs s’oxydent…tout cela est compris dans notre raisonnement.