Réflexions sur le labour dans nos vignes
De l’art et de la manière de mettre le couvert…une manière d’irriguer le cerveau.
Ces dernières années ont vu des changements climatiques considérables impacter le vignoble de Meursault.
Comme dans tous les autres endroits où l’on cultive la vigne depuis des temps immémoriaux, ce début de vingt et unième siècle ne pourra être celui de la résilience associée à des méthodes passées, au contraire il devra devenir celui de la réflexion et du changement. En tous cas chez ceux qui prennent véritablement la mesure des enjeux qui se dessinent et se joueront.
Nos sols ont déjà largement montré qu’ils pouvaient mettre à mal certains de nos porte-greffes en générant sur nos plants un funeste dépérissement qui est probablement à relier a une perte/évaporation du carbone induite par les inopportuns et excessifs désherbages mécaniques.
Ils ont remplacé de manière positive sans doute les désherbages chimiques mais ils sont aussi et surtout à l’origine de la destruction des horizons premiers, de même que les désherbages chimiques ont largement favorisé les tassements qui étouffent la vie superficielle et tuent toutes les plantes qui pourraient aérer naturellement le sol.
Nos sols pour vivre et fonctionner naturellement ont besoin des vers - donc du vivant - pour les aérer et de plantes - donc du végétal - pour séquestrer le carbone, éviter leur érosion et conserver des calories lorsque le soleil grille les plants. Car on ne le dit pas assez mais ce ne sont pas les températures qui font du mal à nos vignes mais les très forts rayonnements solaires permis par notre couche d’ozone qui se désagrège.
Les premiers centimètres de nos sols sont essentiels, chaque outil que les ouvre est en quelque sorte une agression - voir l’article en lien - qui, il est vrai, porte en elle plusieurs « solutions ». En premier lieu limiter la concurrence du couvert végétal qui « étoufferait »les plants, en second lieu les laisser propre comme le ferait un jardinier. Opposer le propre et le sale c’est aussi renvoyer au travail besogneux face au laisser-aller de rangs enherbés et constellés de variétés de fleurs diverses. Car c’est bien de cela dont il s’agit, avoir des rangs sans herbe c’est montrer que l’on est ardent au travail, affirmer que la quantité d’heures passées au vignoble se place au dessus du suivi logique qu’une vigne requière. C’est un peu comme le surentraînement en matière de sport. Cela n’apporte rien de bon si chaque geste n’est pas à l’origine d’une relation causale parfaitement comprise. Il faut dépasser ces inepties.
Comme dans toute mutation, il existe une phase de transition nécessaire qui progressivement permet à la plante de s’adapter.
Comme un vignoble ne devient pas « bio » et immaculé en une période de trois ans, arrêter de lacérer les sols avec des solutions outillées les plus diverses et des engins de toute taille se prépare, hors de question de stopper tout cela en une fois, la réponse de la plante sera forcément négative et excessive car il lui faut aussi une période d’adaptation pour comprendre ce que celui qui la guide attend d’elle. Surtout dans nos régions « nordiennes » où l’on a tout fait durant des décennies pour qu’elle produise toujours plus. Plants grossiers, engrais azotés, tailles productives.
Le domaine a beaucoup essayé depuis que j’en ai la charge et que je décide de ce que mon tractoriste doit faire en étroite relation avec lui, qui mène le tracteur. Nous nous sommes parfois égarés dans des solutions trop intrusives qui n’ont rien apporté de véritablement positif: Labourer trop profond, trop souvent, au mauvais moment, trop précocement, trop tardivement…on a tout éprouvé ou presque! Et se tromper aide à réfléchir et progresser!
Depuis quelques années, forts des recherches en agro-foresteries et permaculture que nous lisons avec une grande attention et en observant également leur mise en œuvre nous sommes convaincus qu’il faut suivre le temps de la plante et non, celui du sol car celui-ci est au service de nos ceps, pas l’inverse. Nous ne produisons pas des fleurs pour qu’elles soient jolies, non! Nos fruits à nous trouvent leur aboutissement dans le vin qu’ils permettent de produire. La vigne ne doit être belle qu’une fois…le jour où on la récolte.
La finalité étant de récolter des raisins concentrés et équilibrés sur un substrat autorisant naturellement cela. Il nous paraît illusoire de continuer à vouloir produire 55 à 70 hl/ha dans ce contexte et nécessaire de demander à nos plants 10 à 30 hl de moins en pérennisant leur durée de vie et le bien être d’une culture manuelle qui leur permet de produire le plus longuement possible en livrant une partition annuellement complexe et gorgées des meilleurs précurseurs aromatiques. Tout cela passe par des plants fins et très fins, des densités élevées, des sols très peu travaillés, des sélections massales de très Haute qualités et sans viroses. Et bien entendu par une totale absence de solutions de remediation correctives comme l’irrigation qui nous paraît être un non sens. Surtout sur des sols « ouverts ».
Révolution est sans aucun doute un terme plus juste pour cette « évolution de nos espèces » de fonctionnement car quand j’observe le sol de Volnay qui est en ce moment à près de 60% non désherbé - mécaniquement ou chimiquement - et dont l’ODG a interdit le désherbage chimique dans les premiers crus - comme à Pouilly-Fuissé - je me dis que je ne suis pas le seul - évidemment! - à me faire ces saines et justes réflexions.
Croyez moi il y a dix ans seulement les pratiques n’étaient pas les mêmes!
Alors permettez moi en cette veille de Pâques de vous rappeler que chez nous le couvert est mis, et que pour rouler les œufs dans les rangs de vignes cela sera plus facile…
Joueuse Pâques à tous! (Non, non ce n’est pas une faute!-)))
Patrick Essa - Domaine Buisson-Charles