Comprendre le vignoble de Meursault
Le Finage de Meursault - Variété des crus
Depuis toujours le nom de Meursault évoque pour les dégustateurs du Monde entier un vin blanc ample, gras, concentré sur des saveurs de noisettes, qui vieillit avec bonheur et procure du plaisir sur des poissons en sauce ou des volailles blanches.
Sans renier cette " image d'Epinal ", il est sans doute possible de dépasser le Mythe et sa transmission orale, les fausses vérités et les interprétations imprécises pour défricher un terroir qui mérite plus qu'une somme de lieux communs, même si ce sont eux qui ont forgé d’une certaine manière sa légende.
L'imaginaire dans le vin est souvent de type agrégatif : on complète des connaissances en les additionnant à celles que l'on possède déjà. De nombreux auteurs ont parlé de Meursault depuis le 17°siècle : Courtépée et Béquillet, le docteur Lavalle, Danguy et Aubertin, Rodier et plus près de nous Anny et Paul Sadrin ou encore Henri Cannard. Chacun a œuvré en relisant les précédents et en se fondant sur des affirmations qui n'ont guère été contestées au fil des siècles car le respect des canons anciens qui singularisent les crus a souvent valeur de « sacralisation ». Au final la permanence du discours est plus le fait d'un manque de recherche ou de questionnement que d'une stabilité qui rendrait ce vignoble intemporel. Meursault a évolué, a changé comme toute la Bourgogne (nous en reparlerons au fil du temps) et le village et ses vins sont ancrés dans le présent autant qu'ils puisent dans le passé des racines dans lesquelles la sève de la tradition circule.
Notre propos est donc de comprendre le vignoble depuis le présent pour relire l'histoire et mettre en lumière les faits du passés qui peuvent éclairer la situation actuelle.
Il est évident que ce travail engage l'auteur et ses connaissances, chacun pourra à loisir compléter ou contester tel ou tel fait ou analyse, il reste que l'éclairage apporté ici n'est que le fait d'un dégustateur devenu producteur et négociant sur la commune et qui tire ses conclusions de sa propre expérience, en toute indépendance d'esprit.
Un village remarquable :
La première chose qui frappe lorsque l'on arrive à Meursault est son clocher haut perché qui domine l'église Saint Nicolas, cela donne une allure majestueuse au village qui sied à ses pieds, cela procure également une grande fierté aux Murisaltiens qui aiment leur bourg aussi discrètement que passionnément.
De nombreuses maisons de maître apparaissent aux 4 coins du village. Les familles nobles et bourgeoises les ont construites souvent au cours des 18° et 19° siècles, elles étaient propriétaires et négociantes et ont contribué à l'essor du village.
Les grands murs qui bordent les maisons et enclavent les propriétés en des clos hermétiques aux regards sont le signe d'un passé glorieux et prospère et d'un goût affirmé pour l'austérité et le classicisme. Nous sommes en terre de tradition, la mémoire est préservée à l'intérieur de ces hautes clôtures en pierre, il est difficile d'y pénétrer sans être introduit et il est impossible de comprendre les gens qui y habitent sans comprendre pourquoi existent ces enceintes !
Un tissu social très dense, ouvert sur l'extérieur :
L'intimité des familles de Meursault n'est percée que dans le cadre de la famille qui est ici le noyau central de l'esprit du village, on est uni par les liens du sang, par des principes de vie, mais aussi par la terre, les savoir faire, les méthodes de vinification. Il existe des codes sociaux qui tissent les liens entre les habitants du village, chacun est à sa place, il est très difficile de pénétrer une sphère qui n'est pas la sienne. Tout cela n'exclu pas le respect entre les Murisaltiens mais vous ne verrez que très rarement un propriétaire fréquenter son ouvrier en dehors du travail. (Il est des contre exemples bien sûr mais mon propos est général).
Une des valeurs majeures de ce microcosme social est le travail, toute personne laborieuse et dur au travail, est réputée pour cela et en tire un prestige insoupçonné ailleurs, c'est une forme de reconnaissance pour les " petites gens " (on comprendra aisément qu'il n'y a pas le moindre mépris de ma part pour cette expression), de l'admiration parfois même... . La terre, sa culture difficile tout au long des siècles, les efforts qui y sont liés, sont à l'origine de cette manière d'être car il a fallu des bras pour mettre en valeur le vignoble et donner du lustre aux habitations. Cependant après l'ouvrage chacun aime à donner une entité à son pré carré, celui-ci est alors clos et impénétrable.
Il est cependant de tradition de recevoir les visiteurs et de leur assurer une explication simple et claire des vins de la commune. Les vignerons ont toujours ouvert leurs portes pour vendre, ils ont aussi su garder des contacts très suivis avec les clients les plus connaisseurs et sympathiques. Il n'est pas rare de croiser des invités de toute nationalité dans les caves et les dégustateurs avertis sont appréciés pour échanger les points de vue sur telle ou telle cuvée. Ainsi, les expériences de dégustation qui se poursuivent tard avec de vieux flacons sont probablement le moyen le plus sûr de comprendre le village et ses vins.
Des crus réputés :
La description des crus si dessous est uniquement fondée sur un passé de dégustateur, sans aucun lien avec les caractéristiques communément admises des crus que l'on retrouve dans la plupart des ouvrages de référence. Elle recoupe certaines conclusions antérieures mais donne aussi à réfléchir sur des définitions aromatiques et typiques précises qui tiennent compte de la position des parcelles dans les crus.
Le terroir de Meursault est très étendu, il compte environ 360 hectares de vignes sises entre Puligny-Montrachet, Auxey-Duresses et Volnay. Les surfaces exactes sont peu importantes mais il vous suffit de savoir qu'il faut environ 20 minutes en courant à une allure modérée pour traverser le vignoble, cela replace celui-ci dans des proportions très bourguignonnes.
Les premiers crus n'occupent guère plus de la surface du château Lafite à Pauillac. Cette étroite bande de terre et comprise entre 260 et 300 mètres d'altitude et l'on est dans une zone ou la déclivité va de modérée (presque plate) dans les Charmes du bas, à très " pentues " dans certaines parties des Perrières des Bouchères ainsi que dans le dessus des Genevrières ,Goutte d'Or et Poruzots. Avant de les décrire précisément nous nous attacherons à définir le caractère des lieux-dits de niveau village car ceux-ci plus étendus portent en eux une part de l’esprit des vins de la commune, certains même – très qualitatifs – sont isolés et donnent leurs noms à des bouteilles très recherchées, un fait quasiment unique dans la Côte des blancs.
Des lieux dits "seconds crus" :
Le classement des parcelles, en dehors des premiers crus n'existent pas, pourtant il est d'usage de considérer certaines d'entre elles comme de véritables seconds crus, elles apparaissent sur les étiquettes avec de plus en plus d'insistance car le fait de les mentionner rend le vin plus marchand, un peu plus cher bien souvent car plus rare et sans aucun doute supérieur.
Nous pouvons les envisager en différents quartiers géographiques :
Au sud en direction de Puligny :
Les terrains sont très réputés et le milieu du coteau est intégralement classé en premier cru, cependant le Limozin constitue un excellent lieu-dit très proche de Genevrières du dessous et des Poruzots du milieu, il allie puissance et complexité et fait partie des climats qui méritent sans conteste d'être individualisé. Vous pouvez également miser sur les Narvaux du dessous qui sont placés au dessus des Genevrières du dessus, ils sont minéraux et fins . Les qualités des Pelles , des Crotots, des Gruyaches et des Buissons Certaut les destinent plutôt a être asssemblés pour en faire des villages complets. Nous parlerons encore des Terres Blanches et des Luraules qui pourraient constituer des troisièmes crus de bon niveau voire mieux dans la partie haute des Luraules : les vins sont aromatiques et vieillissent bien.
On soulignera ici qu'une grande partie du climat des Gruyaches a été intégrée dans les Charmes lors du classement des premiers crus au début des années cinquante. Les parcelles restantes de ce cru sont moins bien exposées et susceptibles de voir des eaux stagner à certains endroits. Le domaine Fichet qui en possède une parcelle a, de ce fait, réalisé d'importants travaux de drainages à la fin des années 90 pour assainir la parcelle et l'améliorer qualitativement. Il produit depuis un vin de très haut vol qui tient tête à de nombreux Charmes.
Le climat des Pellans situé juste sous les Charmes du bas termine l'AOC village en direction de Puligny-Montrachet, il est assez hétérogène car incliné en pente douce vers le nord à partir de la moitié du lieu-dit en direction de Meursault. Les parties "hautes" sont en revanche très qualitatives car les terres y sont moins profondes et plus filtrantes. Le domaine Henri Germain, le château de Chorey les Beaune, le domaine Bellicard à Santenay produisent ici des génériques de belle tenue, charnus, charpentés et amples. J'aime beaucoup ce cru dense qui est très typique de l'Aoc et capable de magnifier une cuvée d'assemblage en lui donnant du corps et de la sève.
Le Limozin a la tenue et le caractère d'un Genevrières du bas en sa partie haute et ses terres très courtisées produisent sans doute avec le Tessons le meilleur des "seconds" de la commune quoique dans un registre fort différent. Là où Tessons est tendu et racé, Limozin se montre velouté, ample et enveloppant surtout s'il est issu de vieilles vignes, et elles ne manquent pas dans le secteur! Henri Germain, François Buisson, Rodolphe Demougeot, Michel Bouzereau en produisent de remarquables dans des styles proches qui mêlent richesse et harmonie sur des belles notes de fruits blancs. Son sol argilo-calcaire est composé de terres blondes mêlées de petits cailloux en partie haute et de sols plus profonds en sa partie basse non loin du lavoir communal. L'endroit est très légèrement incliné vers le levant, solaire et mûrit précocement. IL faut en général le récolter assez tôt pour préserver une tension interne affirmée, sinon il peut se montrer quelque peu capiteux, puissant, voire un peu opulent. Il s'agit sans doute d'un des "seconds crus" les plus « séveux » de cette commune dont le finage génère des fruits naturellement riche en glycérol.
Au nord en direction de Volnay :
Depuis toujours les terres de ce côté de la commune ont été plantées - sauf à de rares exceptions- en pinot. Les appellations d'origines contrôlées instituées au début des années trente et la progression des ventes en bouteilles vers l'étranger, ont quelque peu changer les données de plantation : Meursault est devenu un village synonyme de vins blancs à l'exportation, sa réputation ancienne pour les blancs a été mise en avant, et le côté sud de la commune - sans même parler des Santenots - qui portait des rouges remarquables, a été replanté au fil du temps en vignes blanches.
Les bourguignons ne sont pas des rêveurs et la possibilité de mieux vendre une appellation est déterminante dans le choix du cépage, mais aussi aujourd'hui explique le type particulier des blancs produits de ce côté-ci : Ce sont des blancs plantés sur des terrains dont la valeur agrologique est remarquable, mais souvent ils sont produits sur des terres destinées aux vins rouges issus du pinot.
La parcelle la plus célèbre est sans conteste celle qui appartient aux Comtes Lafon elle est connue sous le nom de la Désirée depuis au moins deux siècles, elle est enclavée dans le climat des Petures qui peut aussi donner en rouge l'appellation Volnay Santenots. Tout est simple en Bourgogne si l'on connaît le parcellaire... Il s'agit donc d'un " village " revendiqué dans une terre de premier cru, il est remarquable et sa puissance lui assure un bon vieillissement , mais ne lui demandez pas d'avoir la finesse des premiers crus du côté nord.
Viennent ensuite le Clos de la Barre , le Clos du Cromin et le Clos des Mouches, les deux premiers sont des blancs massifs et de bonne expression, ils sont très aromatiques et sont prêts à boire assez rapidement. Le clos des Mouches est planté en rouge , nous y reviendront dans le paragraphe consacré aux vins rouges de la commune. Les autres parcelles les plus remarquables sont les Perchots, les Peutes vignes, les Corbins, les Criots, les Marcausses, les Vignes Blanches et en la Barre. Le dernier est sans conteste le meilleur lieu dit et celui qui mérite le plus d'être cité sur une étiquette, sa profondeur et son bouquet en font un Meursault village de grand style. Les autres me paraissent devoir être assemblés, ils expriment de manières moins originales les qualités du Meursault, mais en complément d'autres lieux dits ils peuvent apporter de la puissance et des saveurs mûres, les vignerons qui les assemblent obtiennent souvent de très belles cuvées de village sans mention de lieu-dit.
Le coteau blanchit et de moins en moins de Meursault rouges parsèment ces lieux-dits. Certains d'entre eux sont désormais isolés par les producteurs qui en ont assez pour fidéliser une clientèle. Ils contribuent largement à les faire connaître au delà des frontières et le prix des terres grimpe en flêche! Ainsi trouve t'on une fort belle cuvée de Criots chez Ballot-Millot, des Corbins ronds et puissants chez le cousin Vincent Dancer et une cuvée un peu plus austère - mais tout aussi racée- chez Vincent Bitouzet à Volnay.En revanche point de Perchots, de Marcausses et de Peutes vignes ( les vilaines vignes en patois!)...demain peut-être, qui sait!?
Je suis plus réservé sur l'important Clos du Cromin qui année après année produit des vins friands et généreux mais parfois également un peu trop simples surtout en sa partie basse composée de terres argileuses assez lourdes. Les vignes de l'extrémité nord proches de la Désirée, plus pentues, plus hautes et plus caillouteuse me paraissent avoir un meilleur potentiel. En moyenne c'est une cuvée de troisème classe, pas plus sauf dans ce dernier secteur où les crus s'expriment avec plus de finesse et de distinction.
Au dessus de ce clos, au dessus du camping de Meursault se trouve un très petit, peu connu et sous-estimé lieu-dit : le Pré de Manche. Terres caillouteuses, assez pentues selon l'endroit et légèrement "versées" au sud. Il faut avoir déguster la cuvée de Max Piguet à Auxey-Duresses pour comprendre toute sa qualité. Un registre nerveux, sec et racé qui n'est pas sans évoquer la tension et la forme des Perrières, sans en posséder toute la plénitude bien entendu.Il ferait un bon "troisième" dans le haut du classement.
La Barre et le Clos de la Barre sont proches de la seconde classe. Dégustez la récente - moins de 15 années de commercialisation - cuvée de François Jobard pour vous convaincre de sa densité. Les Perchots (prononcez "perchottes") suivent de près. Une "troisième haute" qui culmine je pense avec les vignes de Lafon dans le Clos car "il y a du caillou" non loin de la surface.
Au centre sur le coteau de Meursault :
Le coteau qui surplombe le village à l'ouest est le plus apte à produire des " Meursault village " de qualité . Presque tous les lieux dits de cette zone méritent d'être mentionnés sur les étiquettes car tous possèdent un type particulier, reconnaissable dans une dégustation à l'aveugle : une identité propre s'en dégage.
A ce propos signalons qu'il n'existe pas un type de Meursault mais bel et bien plusieurs définition d'une même expression aromatique : différents tableaux provenant d'un même peintre...Il est dès lors utile de mentionner chacun d'eux en essayant d'en donner une définition gustative :
Le plus connu d'entre eux, car il est isolé par tous les vignerons est sans doute " le Tessons ", c'est un cru qui est chaque année très proche des premiers crus, il était placé en première cuvée au siècle précédent par le docteur Lavalle et les vignerons de la commune le situe toujours en tête des climats non premier cru avec le Limozin. Il est toujours très minéral avec un nez de silex (de pierre à fusils), il s'ouvre assez rapidement et peut se garder 25 ans sans problème lorsqu'il est bien vinifié. Sa structure est dense et serrée sur un volume puissant mais élégant. C'est réellement un très beau cru.
Une partie du coteau orienté plein Est à Meursault n'a pas eu le classement premier cru décrété au début des années 50 du siècle précédent. Après que les différents syndicats communaux aient refusés de se mettre d'accord pour définir une aire en grand cru juste avant la seconde guerre mondiale, préférant miser sur le seul nom de Meursault, la commune s'est retrouvée avec le principal coteau blanc de Côte d'Or à délimiter selon une logique excluant les classements des autres communes et avec la volonté de créer un équilibre de production entre les zones "premier cru", "village" et "régionale".
Les Chevalières , les Rougeots et les Casses têtes suivent de très près accompagnés du haut des grands Charrons et de la partie la nord ouest des Tillets. Les Chevalières sont d'une finesse et d'une élégance rare en année chaude, mais on récolte toujours un peu plus tard dans ce secteur qui est un rien plus froid à cause des vents qui proviennent de la Combe d'Auxey-Duresses.
Les zones hautes et plus froides:
A/ les zones hautes:
Certains climats se trouvent placés sur le second mouvement du coteau de Meursault qui fait une sorte de replat au dessus des premiers crus avant de reprendre une forme plus pentue. Ce replat très pierreux était souvent creusé de carrière d'extraction de pierres de tailles. Aujourd'hui les carriers ont disparu du coteau - ils subsistent non loin à Chassagne - et certaines zones d'extraction ont été comblées pour "porter" à nouveau de la vigne. Dans la zone qui prolonge ces carrières on trouve en partant depuis Puligny une partie du domaine communal planté il y a dix ans. Ce sont les Chaumes "côté Blagny", assez hautes, très pierreuses, de maturité tardives, elles sont souvent assemblées en raison de leur jeune âge et de leur valeur "bonne sans plus». Des vins frais, tendus et assez linéaires.
Ensuite se trouve un très important lieu-dit: Les Narvaux. Sol de tout premier ordre dans sa partie basse, il est capable d'égaler le Tessons à cet endroit, mais il perd de sa force au fur et à mesure de son positionnement haut sur le coteau. Très proche de l'esprit des Genevrières du haut, il n'en possède toutefois pas la puissance. C'est un vin d'une très grande longévité qui peut évoluer sur des décennies. Les murisaltiens qui en possèdent assez l'isolent systématiquement et le tienne pour un "second cru" naturel.
Faisant suite aux Gorges de Narvaux et Narvaux du milieu on trouve les Tillets et les Cloux, lieux-dits qui se ressemblent car ils sont exposés plein est sur des terres hautes remises en valeur dans l'entre deux-guerres par ceux qui parmi les vignerons possédaient un double attelage équin pour y accéder...c'est aussi cela la vraie valeur culturelle des terres! Les vins sont très fins, élégants et possèdent une distinction naturelle en année un peu chaude qui peut aller vers des sommets. Des vins souvent assez longs à se faire, tendus et possédant une énergie rare.
De l'autre côté de la route de la Montagne Saint Christophe en direction d'Auxey-Duresses, se trouvent les lieux-dits Vireuils du bas et Vireuils du dessus. Le bas est assez proche des Cloux et le dessus préfigurent déjà les terres plus hautes des Hautes Côtes et de saint Romain avec des vins plus droits et acides qu'il faut cueillir un peu plus tardivement. Si le bas est parfois isolé, le dessus participe souvent aux cuvées d'assemblage avec les crus de plaine plus bouquetés.
B/ les zones plus froides:
Sous l'influence directe de la Combe d'Auxey - et donc des vents qu'elle génère- on trouve deux lieux-dits d'excellents niveaux: Les Luchets donnent des vins assez proches des Chevalières de la partie haute, mais un rien plus froid, plus tendu et avec une très belle énergie interne. Les Meix-Chavaux sont assez vastes et la meilleure partie est sans doute le bord sud du Clos des Meix-Chavaux car elle est disposée sur un sol pierreux de laverottes qui se délitent et elle peut être aussi qualitative que les Chevalières voisinent.
Face à ces lieux-dits on trouve sur un coteau très original situé sous le pré de Manche: les Murgers de Monthelie. Les vignes regardent l'ouest, sont sous l'influence des vents de la Combe d'Auxey mais très dégagées et moins pentues que le coteau d'en face, bénéficient aussi d'une cuvette solaire assez chaude qui les fait parvenir à maturité assez vite au regard de leur situation. De nombreux Meursault "séveux" et racés naissent dans cette zone ou Patrick Javillier par ex; possède une fort belle parcelle non loin de la nationale qui va à Autun.
C /le cas des zones "communales":
En plus de la partie "Chaumes côté Blagny" toute une série de nouvelles plantations est plantée sur l'ancienne "petite montagne " de Meursault qui était autrefois une zone de friches arbustives ou la vigne n'avait pas droit de cité. Les engins modernes et la volonté de mettre en valeur ce patrimoine ont depuis permis de positionner des ceps là où autrefois ils étaient proscrits. Une étroite bande de vignes court donc désormais depuis le dessus des Goutte d'Or jusque sur le dessus des Chevalières. Ces zones "Chaumes" sont de qualités variables et ne méritent en général pas plus que l'AOC village sans nom de lieu-dit spécifique, mais le temps les fera sans doute rejoindre dans quelques années des lieux-dits plus prestigieux, contigus...ce qui sera une funeste erreur, tant ils sont en général différents des parcelles qu'ils jouxtent. Les meilleurs sont toutefois placés au dessus des Chevalières et des Tessons. Mais il faut connaître les endroits au cas par cas et pour le consommateur ce n'est pas aisé. Il est cependant certain qu'aujourd'hui la plupart de ces vins sont assemblés à d'autres cuvées.
Les premiers crus situés au Nord de la commune :
Meursault est réputé pour la qualité de ses sols dévolus aux vins blancs, mais il subsiste quelques "ilots" de premiers crus plantés en chardonnay du côté des Santenots et de Volnay. Ces parcelles sont étonnantes, peu connues et pourtant forts qualitatives.
1/Les Caillerets:
Moins d'un hectare de vignes situées sur une étroite bande qui surplombe le climat des "santenots blancs". Quelques producteurs produisent des premiers crus -blancs et rouges ce qui est une curiosité - qui s'expriment remarquablement. Les premières vignes contre le Clos des soixante ouvrées (un clos AOC Volnay Caillerets) disposent plutôt d'un sol à rouge et sont très proches de l'esprit "Volnay" fait de finesse et d'élégance. Quelques ilots ont été gagnés sur des carrières anciennes et montrent des sols plus pierreux mais parfois un peu remaniés. Ces dernières vignes sont plantées en chardonnay et donnent des vins souvent un peu lactés, puissants et assez différents des premiers crus du sud de la commune car plus vineux et moins aériens.
2/Les Cras:
Petit cru mesurant un peu moins de 4 ha les Cras sont un vignoble mixte "à la mode murisaltienne". N'ayant pas réussi à rejoindre le "train" des Santenots alors que ceux-ci ont englobés au moment des classements des parcelles de valeurs agrologiques contestables pour des premiers crus (les Santenots du dessous), ils subsistent sous leur nom mais comptent en leur sein un monopole qui occupe près d'1/4 de sa surface : Le Clos Richemont du domaine Darnat. Les Cras peuvent être blancs ou rouges comme le climat voisin de Meursault-Caillerets et ils s'expriment avec bonheur dans les deux couleurs.
Le terroir est placé assez haut sur le coteau et surplombe en fait les Petures. Il est composé de terres de nature variables selon les situations. La bande du haut dispose de sols bruns/blonds, caillouteux, assez pentus de nature argilo-calcaire et de maturité précoce. Elles donnent des vins fins, bouquetés et discrètement fruité qui se livrent assez facilement en jeunesse. La partie du Clos Richemont dans la partie nord supérieure est plus argileuse et ses sols plus sombres étaient autrefois plantés avec des pinots. Les blancs sont aujourd'hui très vineux et souples et possèdent une nature originale qui les rapproche un peu du Montrachet de Puligny. Enfin les parties basses du climat occupées par deux propriétaires seulement montre des terres plus blanches en raison du pasage d' une veine d'oolithe. Cet endroit est plus spécifiquement dévolu aux blancs car très solaires et de caractères minéraux, ils ressemblent un peu aux Blanchots de Chablis où à la partie haute exposée sud du Charlemagne
3/ Les Petures
Sans doute l'un des premiers crus les plus étranges de la Côte de Beaune car -très peu connu- il peut produire de grands vins blancs et rouges en AOC premier cru sans que l'on n' évoque jamais son nom sur l'étiquette...car il se vend régulièrement sous le nom de Volnay- Santenots (Meursault-Santenots en blanc) auquel il a légalement droit. Funeste pour la "gloire" de son patronyme, ce choix a pourtant été réfléchi par les diverses commissions syndicales qui l'ont proposé car il enterrine des usages loyaux et constants validés par plus de deux siècles de pratique. On pourrait imaginer qu'il s'agit d'une entité à part ou d'un sous lieu-dit minuscule ne pouvant s'affirmer pleinement seul...il n'en est rien. Magnifique zone de plein côteau, idéalement exposée à l'est et portée par un substrat argilo-calacaire dont l'origine remonte au Bajocien, elle est naturellement destinée à tenir parfaitement son rang de premier cru avec -sans doute- beaucoup plus de personnalité et de caractère que la partie du dessous des Santenots.
Le cru est homogène et pentu et si la partie basse est légèrement inclinée vers le levant les parties hautes sont un peu plus fortement inclinées et par conséquent très filtrantes. En surface les terres brunes, mêlées de cailloux de petites tailles, argileuses, assez collantes et qui réssuient bien en superficie sont portées par un substrat profond rocheux qui permet à la vigne de plonger ses racines loin dans le sol. Cet ensemble donne des vins très originaux qui se rapprochent fortement du Chevret de Volnay et pour la partie haute des Volany-Caillerets de l'étage supérieur. Sans doute un des crus les plus sous-estimés de Meursault car son grain souple et son énergie lui confèrent une personnalité d'une originalité affirmée.
Le caractère des vins est similaire à celui des Santenots du milieu- réglissé et fumé sur des accents de fruits noirs - mais n'en possède pas toute l'intensité et surtout le cru se montre régulièrement plus souple en jeunesse. Quelques ilots de blancs donnent des vins vineux, puissants et très aromatiques qu'il ne faut pas cueillir en sur-maturité sous peine de confiner à la mollesse. La vigne de Désirée du domaine Lafon - replantée en 2008 - donne ici un vin blanc - cadastré dans les Petures- sensuel et profond qui termine le climat dans sa partie sud, contre le Clos du Cromin. On notera par ailleurs que le climat "porte" légalement deux vignes hautes qui ont droit à l'AOC Volnay-Santenots, elles sont exploitées par le domaine Roy d'Auxey-Duresses.
4/ Les Santenots "Du Milieu" ou Volnay-Santenots
Les Santenots sont intégralement situés sur la commune de Meursault dans un zone très qualitative qui prollonge le fameux coteau de Volnay. Très étendu - plus de 30 hectares - le climat intègre plusieurs lieux-dits ayant des profils différents mais possèdant tous de magnifiques qualités morpho-géologiques. Des terres argilo-calcaires brunes du Milieu aux cailloux des Santenots blancs et du dessus des Petures en passant par les zones plus riches des Petures du bas et des Santenots du dessous, il est assez difficile de définir une véritable unité pour ce célèbre cru. Le "milieu" est exposé Est, de terre rouge très argileuse, peu profonde sur un sous-sol de calcaire dur, le site est très solaire et précoce.
La partie dîtes Santenots du Milieu donne incontestablement sur 8 hectares les vins les plus intenses,sauvages et profonds de l'appellation Volnay avec des notes réglissées/fumées qui évoquent souvent les pinots fins des parties médianes du Clos de Vougeot ou des Renardes à Corton. C'est un cru d'élite qui fait partie des cinq meilleurs finages de la Côte de Beaune. Il possède de plus une capacité de garde époustouflante, certains "spécimen" de 19° siècle conservés chez Bouchard Père et fils sont même dans une forme étincelante en ce moment.
Les premiers crus situés au Sud de la commune
1/ Les Perrières :
Le cru de Perrières est sans conteste le plus courtisé de la commune car il réunit les qualités essentielles de puissance et de tension qui signent les plus grands vin blancs issus du chardonnay. Peu d'écrits se penchent en revanche sur les facteurs qui génèrent cette supériorité affirmée.
On se fonde le plus souvent sur une tradition ancestrale qui positionne le climat très proche du grand Montrachet pour sa longévité et son originalité. Combien savent qu'il en est en fait l'exact contraire stylistique? Autant le Montrachet s'exprime par une vinosité insurpassable, autant le Perrières est un vin tellurique, énergique, violent, à la sauvagerie quasi dérangeante, qui déroute souvent lorsqu'il est jeune. Ce vin sans compromis est produit sur des secteurs assez divers qui marquent également la race formelle des crus qui en sont issus.
Ainsi la "Grande Perrière" qui fait suite aux Genevrières du dessus jusqu'à la grotte - qui la connaît!? - de la "Porre et Piarde" donne t'elle les vins les plus civilisés du climat , assez proches au fond des "grands Genevrières" qui lui font face car plus opulents, plus sensuels et plus immédiatement accessibles, ils livrent une partition droite et pure qui s'assagit un rien plus vite que la partie haute du finage. celle-ci appellée "Perrières dessus" est également très morcelée car disposant de parcelles hautes et basses, avec des orientations variables, elle confère aux crus un côté rocailleux qui densifie la granularité de la texture et finit par imprimer une sensation quasi coupante sur la langue. vin de cailloux sur des terres maigres, vin sidérant de finesse évoquant les dessus du Chevalier ou la rigidité de la Goutte d'Or si méconnue.
Le meilleur secteur est sans doute le "plat des Perrières" juste au dessus de la "grande Charmes" du dessus, il englobe le Clos et une langue de terre qui va butter contre les Champs Canets de Puligny-Montrachet. Les vins produits dans ce secteur sont sans conteste les plus grands Bourgogne blancs par leur intensité et leur bouquet unique mêlant les accents rocailleux d'une minéralIté vraie et cette incomparable touche grillée/mentholée que génère les beaux chardonnays d'équilibre subils.
2) Les Charmes:
S'il est un cru qui identifie à coup sûr le style des vins de Meursault, c'est bien Charmes. Cette évidente observation est même particulièrement notable lorsqu'il s'agit de définir quels sont les amateurs qui apprécient "vraiment" la plus grande - en superficie - des communes de la Côte des blancs. Ceux qui n'ont pas de relation particulière avec ce cru aiment en général mieux les vins de Puligny ou de Chassagne car l'opulence du cru, son côté glycériné et sa texture très souvent visqueuse en font un modèle qui mêlerait presque la douceur tactile des vins liquoreux avec la sècheresse des crus les plus secs et même une étonnante "sauvagerie" dans les années de fraîcheur, un peu tardives. Il n'est je pense aucun vin plus puissant que lui en Bourgogne dans le monde des blancs et sa richesse est souvent assez proche de celle d'un Bâtard-Montrachet sur une partition aromatique plus florale et un rien moins brutale.
Cru de mi-plat, très caillouteux et étendu, les Charmes regardent le levant et sont enclavés entre les Genevrières, les Perrières du dessous et les Combettes de Puligny-Montrachet. Ce vaste ensemble caillouteux et argilo-calcaire est assez uniforme en dépit des classifications qui sont très souvent opérées et qui minorent le haut par rapport au bas du climat. Bien entendu l'ensemble des vignes sises sous les Perrières est en général un rien plus précoce et marqué par un substrat caillouteux qui leur confère une énergie rare, mais la partie médiane est également bien dotée même si les sols se font un peu plus argileux à certains endroits. Les vins acquièrent alors un fruit et une profondeur qui complexifient encore la trame tendue et un peu plus brutale qui marque les vins des parties hautes. J'aime beaucoup la densité et le velouté de ces deux zones en signifiant toutefois que le fameux "plat des Charmes" situés juste sous le Clos des Perrières est naturellement - potentiellement - le plus régulier et le plus complet.
La question des parties basses est à mon sens une "fausse bonne énigme" qui occupe trop d'observateurs se fondant sur une approche "cartographique". Les Charmes du bas seraient "moins" bien placés donc moins denses, moins complexes et surtout moins racés. Le véritable problème est que de nombreux producteurs s'occupent de cette partie et qu'il est souvent fort difficile de situer à l'aveugle le "carré" qui a servi à générer le vin! D'autant que de nombreuses vieilles vignes sont ici en production. Les sols y sont quand même plus lourds et ressuient moins vite mais la terre est fine, les cailloux encore bien présents et la classe naturelle du terroir indéniable. Après en avoir douté au début de ma vie de dégustateur je dois bien avouer qu'aujourd'hui je préfèrerais de beaux raisins provenant du bas que de médiocres grappes du haut! Mais là je vois bien que je ne vous éclaire guère!
3/Les Genevrières
Parmi les grands crus blancs oubliés du classement des années trente, Genevrières est sans doute celui qui aurait le plus mérité d’obtenir ce titre, plus encore peut-être que Perrières si j’en juge l’homogénéité remarquable de l’ensemble du territoire qu’il occupe. Une chose est certaine pour les amateurs de blancs élégants, fins et racés à texture soyeuse, il trône en tête des blancs de Bourgogne en compagnie du Chevalier de Puligny-Montrachet.
Vin de dentelle, pendant des Amoureuses cambuléennes, ce vin harmonieux et droit possède également l’incomparable qualité de vieillir avec grâce. Le voir s’affiner au fil des années est sans doute l’un des rares plaisirs qu’il est permis à un amateur de vérifier sur la quasi totalité des millésimes qui sont mis en marché tant ce vin est régulier. Il doit ses extrêmes qualités à plusieurs facteurs :
En premier lieu un sol argilo-calcaire homogène, assez peu profond – surtout en sa partie haute – datant de l’étage Bathonien. Ce substrat est également marqué par des Marnes blanches et il permet aux plants d’équilibrer avec justesse leur vigueur pour générer des fruits gorgés de sucs qui donnent des jus finement glycérinés.
Ensuite, une inclinaison de pente allant de forte – hauts des Genevrières Dessus – à modérée dans le bas des Genevrières Dessous. Cette situation morpho-géologique assure un parfait drainage des eaux de pluie, elle est encore accentuée par la construction assez récente d’un collecteur d’eau dans le milieu bas du climat.L’eau ne stagne jamais dans les vignes.
Une orientation plein Est avec des vignes coupant les deux demies parties du climat dans le sens Est-Ouest. Cette situation d’exposition , idéale, permet de préserver une très belle fraîcheur dans les raisins qui arrivent à maturité sans être « rôtis » excessivement par les rayons du soleil et il se développe ainsi une vraie maturité de fruit avec des degrés potentiels modérés. Cela explique sans doute une bonne part de l’ultime finesse qui caractérise les vins.
Un ensemble de parcelles très homogènes et un morcellement un peu moins accentué que dans d’autres climats communaux. Bien sût le bord sud des Genévrières du Dessous est très découpé mais si l’on excepte la zone médiane des parties hautes , ce sont à peu près les seules parcelles qui sont inférieures à 20 ares. Par ailleurs 4 propriétés exploitent ici plus de deux hectares ce qui est assez exceptionnel au niveau des premiers crus de la commune.
A la lumière de ces constats nous pouvons dégager trois grandes zones à l’intérieur de ce climat premier cru qui mesure 16 ha et 4794 a :
Les Genevrières du Dessus : Ils forment un rectangle quasi parfait enclavé entre les Chaumes de Narvaux au dessus, les Poruzots au Nord et les Perrières du Dessous au Sud. Son sol est assez fortement incliné vers le levant et un peu moins large au niveau de son bord Sud. Terroir pierreux, marqué par des terres blondes, un rien plus sombre en son centre, il a le potentiel avéré d’un grand cru et est sans doute celui qui en plus de la finesse livre les expressions les plus ciselées. Un peu plus vif que le bas en moyenne, moins corpulent mais aussi délicatement salin, il embaume le chèvrefeuille et la fleur de vigne et cousine fortement avec le Chevalier-Montrachet.
Au dessus des Genevrières du dessus – séparé de lui par un long mur – et directement sous les Chaumes de Narvaux, un sous lieu-dit peu connu appelé « Cure Bourse » ou en patois « Colle Bosse » est exploité pour plus de un hectare par le domaine Pierre Latour-Giraud. De petits rangs parfaitement alignés, plantés sur une pente douce et sur la quasi largeur haute du climat bénéficient d’un sol comparable à celui qu’il surplombe. Le vin y est en général extrêmement plein et fin et mêle curieusement la tension des Perrières proches à la finesse de grain des Genevrières.
Les Genevrières Dessous : située en contre-bas des Genevrières Dessus est lui plus impacté par des terres un rien plus lourdes – bien qu’encore très pierreuses – et donc un sol plus profond et moins marneux. Il en résulte des vins plus denses, très complets et puissants qui vieillissent avec une indicible harmonie. Subtil mélange entre l’immédiate expressivité des Charmes du dessus qu’il jouxte au sud et la finesse des Genevrières du dessus, c’est un vin de taffetas qui ressemble – mais il vous faut faire un effort d’imagination - comme un jumeau blanc au Richebourg vosnier.
Il serait sans doute possible de définir à l’intérieur du Dessus et du Dessous des sous zones caractérisées par une olfaction et des profils organoleptiques singuliers. Je pense notamment au « presque » Clos qui appartenait autrefois à la maison Ropiteau et qui, aujourd’hui, est contrôlé par Bouchard père et fils ou encore au bord nord de la partie Desous qui est situé plus bas dans le coteau et forme un quasi "à plat" car la pente y est très douce. Cette zone occupée pour une part par les hospices de Beaune est marquée des terres les plus lourdes du climat et génère des vins plus puissants, un peu moins délicat, sur une complexité plus brutale...les « Bâtard » de Meursault peut-être….
Goutte d’Or et Bouchères (ou Bouches-Chères)
Si le premier - Goutte d'Or - a gagné de récentes lettres de noblesse depuis que le domaine d'Auvenay en vinifie deux petites parcelles, le second reste médiatiquement bien discret et assez éloigné de la notoriété des prestigieux Perrières, Charmes ou Genevrières. La qualité de deux climats est pourtant incontestable surtout si l'on considère leur capacité de garde hors norme. Des exemples de bouteilles ayant été bues de 25 ans à près du siècle me servent évidemment de référence.
Pourquoi dès lors semble t'on s'interroger sur la permanence et les potentialités de ces deux climats premiers crus? Essayons ici de lever une partie de ce mystère.
4/La Goutte d'Or
Le cas de la Goutte d'Or - originellement singulière et donc sans S et funestement affligée de celui-ci dans le cadastre actuel! - est assez simple. Le lieu-dit historique mesure un peu plus de 5 hectares et certaines parties - la partie médiane-sud essentiellement - ont été quelque peu remaniées en raison d'une déclivité dans le sens nord-sud qui générait des difficultés à la mécaniser. D'autre part il est certain que la partie basse non loin du collecteur d'eau et des terres blanches a été également remise en forme. Par ailleurs le nom très porteur a été fort souvent employé pour des parcelles contigües - ou non! - du cru historique et a au final déprécié quelque peu sa qualité moyenne. Ainsi Bouchères a été vendu avant les règles strictes des AOC - nous sommes dans les 50 pour les 1ers crus - en tant que Goutte d'Or pendant plusieurs décennies dans certaines propriétés...autres temps, autres usages!
Il en résulte une image qui a longtemps pâti de la joliesse du nom, d'origines pas toujours bien claires et du peu de producteurs le portant véritablement à la hauteur médiatique que lui confère naturellement son terroir. J'entends encore de ci de là certains non producteurs du cru le minorer nettement par rapport aux cinq autres "majeurs". Ce sont en général ceux qui ne le vinifient pas et le dégustent peu... Et qui la plupart du temps ne le connaissent simplement pas assez. Ils me donnent ainsi une certaine légitimité à leur répondre avec des arguments solides et bien entendu vérifiables sur le terrain:
En premier lieu c'est un cru homogène qui forme un rectangle quasi parfait entre les Luraules au Nord, les Terres Blanches à l'Est et les Bouchères au sud. En pente régulière un rien plus inclinée dans la partie supérieure haute, la quasi totalité des parcelles le coupent d'Est en Ouest du bas vers le haut.
En compagnie des Bouchères il s'agit du cru qui a la plus précise des identités si l'on considère qu'il ne se décompose pas en plusieurs sous lieux-dits. Exception faîtes sans doute des "pointes de goutte d'or" dans le bord haut Nord du cru et de la partie qui verse vers le sud, dont les terres ont été retenues par un muret.
Il est marqué par une bande rocheuse en son centre et est de ce fait proche de la roche mère en certains endroits, AINSI les plants ont parfois bien du mal à s'y enraciner et "donnent toujours naturellement peu" sur ce substrat maigre et argilo-calcaire.
Encore un peu sous l'influence des vents de la Combe d'Auxey, il est sans doute le plus froid - soyons prudent toutefois car ce n'est pas un climat d'altitude - et le plus "tendu" des crus de la commune, deux jours plus tardifs en moyenne en fin de cycle végétatif. Il ne faut surtout pas le couper à haute maturité de ce fait car il y perd sa vraie nature.
Sa couleur n'est jamais plus dorée qu'ailleurs en dépit de légendes qui aiment associer son nom à la robe du vin. Au contraire il est la plupart du temps clair comme de l'eau de roche.
La capacité de garde conférée par sa tension interne affirmée en font le cru qui vieillit le mieux de la commune, supérieur à tous les autres à mon sens. Il en subsiste des exemples éclatants capables de défier le siècle. Les 1947, 1929 et 1893 que j'ai bu récemment sont encore en pleine forme!
Petit cru proche du village, découpé en bande il est possédé directement par seulement quelques propriétés locales. La plus grande parcelle mesurant 1.20 ha est exploitée par le domaine Buisson-Battault en fermage, une partie de ses fruits fournit le négoce beaunois. A côté de ce grand carré les entités n'excèdent jamais plus du demi hectare.
5/Les Bouchères ou Les Bouches-Chères
Longtemps diffusé sous le nom de Goutte d'Or ou comme Poruzots dans les années précédents les classements des climats en "premier cru" il ne doit sa notoriété récente qu'à quelques propriétés locales qui le mettent largement en valeur désormais. Hautement qualitatif, murisaltien jusqu'au bout des ongles, il possède ce je ne sais quoi "floral" qui le distingue nettement des autres premiers crus si l'on excepte la partie haute des Genevières à laquelle il ressemble nettement.
Formant un rectangle au milieu du coteau il est marqué par une parfaite homogénéïté dans une situation le plaçant entre Goutte d 'Or au Nord et Poruzots au Sud. Un peu plus de 4 hectares dont 1.5 ha d'un seul tenant formant sans aucun doute le Clos le plus homogène et qualitatif de la commune avec le Clos des Perrières. Celui-ci sera exploité par le domaine Roulot à partir d 2012 et était avant la propriété de la maison Labour-Roi, et plus anciennement de la maison Manuel. On peut en quelques items en lister les principaux caractères:
Dans une situation un peu plus fraîche que Charmes ou Perrières il arrive à juste maturité un rien plus tard et ne supporte pas les raisins en sous maturité qui accentuent son pole floral jusqu'à le rendre un peu végétal sans lui conférer plus de tension.
Son sol argilo-calcaire est l'un des plus pentus des premiers crus de la commune. Il est orienté plein est et parsemé de petits cailloux qui se mêlent à une terre blonde.
Cru élégant, très racé et finement bouqueté, il développe quasiment chaque année ce nez de noisette fraîche que l'on retrouve aisément en Genevrières. Il s'agit alors d'une senteur mêlant la complexité du fruit et du végétal dans une expression vraiment très originale qui peut aussi évoquer la fleur de vigne.
Naturellement peu enclin à exprimer une minéralité vraie, elle peut toutefois surgir dans les millésimes tardifs qui préservent une forte acidité tartrique.
C'est un très grand vin de garde qui peut défier plusieurs décennies et qui évoluent en affinant sa matière vers une sorte d'essence de chardonnay en décuplant sa douceur tactile. Le boisé lui sied donc assez mal car il marque la structure par un apport dE tanins boisés aussi incongrus qu'inutiles car ils éliminent sa nature délicate et altière.
En dehors des Genevrières du Dessus, il peut aussi "cousiner" avec la partie basse des Chevalier sur Puligny ou avec la fabuleuse partie médiane des Folatières sur la même commune. Mais aussi curieux que cela puisse paraître Vaudésir et Blanchots à Chablis, lorsqu'ils ont élevés sous bois, peuvent aussi lui être comparé par leur naure florale et leur évidente délicatesse.
Le Clos s'est toujours étiqueté Bouches-Chères et une autre propriété - voir ci dessous - l'orthographie également ainsi. Pourquoi? Une question d'élégance il me semble...
6/ Les Poruzots ou Porusots
Le premier cru Poruzots n'est ni le plus connu, ni le plus réputé de la commune de Meursault, sa qualité est pourtant bien réelle. Positionné entre les Bouchères et les Genevrières il occupe une zone de plein coteau argilo-calcaire, idéalement exposée vers l'Est. Composé de sols bruns assez clairs, caillouteux et parfaitement draînés qui marquent les vins du côté de la densité et de la tension, c'est un climat qui évoque nettement l'imaginaire et la nature très classique que l'on associe aux vins de Meursault.
Il souffre toutefois d'un certain manque d'unité et si la partie haute est tout à fait digne des meilleurs Genevrières du dessus, les zones médianes et basses ne participent pas tout à fait de cette haute qualité. Sans démériter, la partie "dessous" qui est séparée du "dessus" par le chemin qui mène à Puligny est moins inclinée et marquée par un substrat un peu plus sombre, moins caillouteux et plus argileux. Les vins y sont un rien plus lourds et immédiats mais n'ont pas l'ultime raffinement des "Grands Poruzots" qui prolongent les Genevrières dessus jusqu'aux Bouchères. La zone intermédiaire placée sous les Bouchères sur une fin de coteau assez étroite peut se révéler très qualitative mais ressemble plus fortement à la Goutte d'Or voisine sans en avoir toute la puissance.
Les vins rouges de Meursault
La commune est bien entendu plus réputée pour ses blancs et les vignerons ont en général beaucoup plus de vins blancs en production que de rouges, mais il subsiste au 4 coins de la commune des rouges de bonne qualité possédant des noms et des caractéristiques diverses:
1/ Un premier secteur - et le plus connu - est celui des Volnay Santenots qui regroupe plusieurs lieux-dits (Santenots du milieu, Clos des santenots,Petures, Santenots du dessus,Marcausses,Santenots blancs). Placé au nord de la commune il donne des vins assez divers selon les lieux-dits, passant de la finesse à la puissance et de la rusticité à l'élégance. C'est un peu la sphynge de Meursault et il mériterait une très longue attention pour l'envisager dans toute sa complexité. Nous y viendrons probablement un jour.
2/On peut associer à ce secteur les parcelles plantées en rouges dans les climats premiers crus Caillerets de Meursault et Cras. Je vous recommande en particulier le Meursault Caillerets de François Mikulski et le Meursault Les Cras du domaine Latour-Mabille.
3/ Les Meursault rouges situés au nord de la commune sous les Santenots dans les lieux-dits Peutes vignes, Marcausses, Corbins et Clos des Mouches. Plus simples mais fruités ils sont assez proches des Volnay Village et s'expriment de manière élégante. Marcausses de Jacques Thevenot,Clos des Mouches ( en monopole) de Germain.
4/ Les lieux-dits Dressoles et Malpoiriers ne donnent que des Meursault rouges car s'ils sont plantés en blanc ils prennent l'AOC Bourgogne. Ce sont des vins plus simples et fruités qui s'assimilent un peu à certains rouges de plaine situés à Chorey le Beaune.Le domaine Jean Monnier en tire une cuvée régulière et droite par ex.
5/ Le Clos de Mazeray de Jacques Prieur est une survivance du passé car ce secteur au sud de la commune qui jouxte les "terres blanches" , les Crotots et les "Luraules" était souvent planté en rouge au 19° siècle ( en particulier Luraule ). Le clos de la Baronne ( dans le Meix Gagne ) de la maison Labouré roi (anciennement Manuel) est séparé par une route du Clos de Mazeray et possède aussi une partie en rouge dans sa zone basse plus argileuse. Mais la vigne de rouge diminue comme peau de chagrin ces dernières années.
6/ Le secteur de Blagny qui est en partie sur Meursault possède des vignes plantées en rouge dans les climats premiers crus la Pièce sous le bois et Sous le dos d'âne. Il donne des vins très fins et fruités qui ne ressemblent pas du tout aux autres rouges de la commune mais qui cousinent un peu avec certains Côte de Nuits (ce qui est assez surprenant). Ils sont étiquetés Blagny la Pièce sous le bois ou Blagny sous le dos d'âne. Le domaine Matrot possède une large part de la Pièce sous le bois et réalise souvent un vin d'excellente qualité. François Jobard réalise ici son unique premier cru rouge.
Voilà qui donne une idée de la localisation des plants de pinot noir sur la commune, ils sont loin d'être marginaux comme c'est le cas pour le Chardonnay dans les communes de la Côte de Nuits par exemple. Historiquement le nord était planté en pinot noir et le sud ( hormis Blagny et Luraule/Mazeray ) en blanc. J'ajoute que de nombreuses vignes de pinot noir sont plantées sur le finage de Meursault dans l'aire d'AOC Bourgogne générique et que des lieux-dits comme Magny, Belles Côtes, Herbeux ou Coutures en possède une proportion.
Patrick Essa - Ecrit de Janvier 1997 à Janvier 2016
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