Esprit de vendanges…
Ses sabots traînaient sur le sol rugueux. D’une marche sonore et pourtant paisible, il avançait d’un pas cadencé en tenant son panier fermement.
A l’intérieur de celui-ci, quelques fioles qu’il portait au cellier.
Etaient elles encore buvables?
Bouchées a l’émeri par des mains disparues, elles avaient traversé le temps dans leur gangue de verre épais en des lieux sombres où l’oubli devait les magnifier.
Combien de pensées les avaient envisagées, combien d’instants ou elles furent proches d’être courtisées, combien d’années où elles se languirent de délivrer leurs secrets!
Mais le temps était venu.
Cette première cuvée de Santenots 1816 parvenue à sa majorité devait être à même de célébrer le début des vendanges en libérant ses feux et en rappelant aux hommes que la dure besogne du vigneron qui récolte et des mains qui l’aident font naître un vin qui résiste au temps pour les remercier en suscitant plaisir et admiration.
Plus tard il sera important de respecter les grappes coupées à la cerpe dans des champs de ceps anarchiques en se protégeant des pluies et du soleil. De l’aurore au crépuscule. Dur et long labeur qui incline à la fatigue naturelle.
Aussi les bouteilles du jour allaient-elles donner le « la » de la récolte annoncée, car le Jean savait bien que cette année d’hier avait en elle le caractère de celle de demain. Son besoin était simple et expliquer n’était point son fort, homme de peu de mots, fruste mais éclairé, il allait faire passer son message par l’entremise de ces verres modestes qui n’empêcheraient pas le cru de divulguer ses pensées, ses souhaits, ses désirs et sa soif de partager sa passion.
Boire et comprendre, boire pour comprendre, nul besoin de plus. Parfois les hommes ont besoin de ressentir sans tout savoir…